Version française / please read in English below
(oeuvre d’art : Kaleidoscope de Olafur Eliasson)
C'est la fin de l'année, un moment idéal pour réfléchir, tracer des lignes et trouver une conclusion.
Cette semaine, je suis tombé sur des notes que j'ai prises au cours des derniers mois et des dernières années. À quelques exceptions près, elles me semblent encore très contemporaines et actuelles. Comme à l'époque, je suis toujours inquiet et quelque peu ennuyé par les chiffres, les nouvelles et les histoires dans la presse. J'ai trouvé très peu de tentatives d'adopter un point de vue sociologique ou psychologique dans les chaines de news. Les principaux médias n’ont pas souvent parlé de l'éducation ou de la jeunesse. Si ces sujets étaient abordés, c'était, comme presque toujours, à travers le paradigme de la technologie et de l'utilisation des machines, des données et de l'IA.
Les "fake news", les faits et les communications officielles souvent contradictoires ont malheureusement été présentés et consommés comme "la même chose". Il semble que nous ayons silencieusement accepté de vivre l'ère de la post-vérité. Cela a encore renforcé la tendance déjà largement croissante des théories du complot et des pensées antidémocratiques. Même dans des pays où cela pourrait sembler inimaginable, des valeurs telles que le droit de choisir pour les femmes ou le droit de voyager librement sont officiellement remises en question ou abandonnées.
Il y a également eu la vieille discussion, interminable et blasée, sur la manière d'obtenir la croissance économique et de revenir au plein emploi. Ces concepts économiques ne sont pratiquement jamais remis en question, comme si nous étions impuissants face à des choses que nous avons inventées nous-mêmes...
Je suis extrêmement surpris par le peu d'innovation de pensée dont nous avons été gratifiés cette année. Je suis quelque peu sidérée ou effrayée par la ténacité et l'obsession avec lesquelles les gens s'accrochent aux concepts défaillants du siècle dernier pour résoudre les problèmes de l'avenir : comme si l'interdiction des vêtements féminins ou l'introduction d'uniformes dans les écoles primaires, ainsi que l'application plus approfondie des tests, aideraient les enfants de la génération alpha à devenir des spécialistes de l'information hautement qualifiés inclusifs et ouverts d'esprit.
Il semble que tout se résume toujours à la même chose. Bien sûr, l'emballage est légèrement plus écologique et plus vert, et il est décoré d'un ruban brillant représentant la diversité et l'égalité. La boîte et le cadeau restent les mêmes.
Les idées radicales pour un monde nouveau n'existent malheureusement que dans les "groupes marginaux", où elles peuvent facilement être politisées et qualifiées d'irréalistes ou de folles.
De l'oméga à l'alpha
Sans surprise, j'ai souvent été perçu comme "nihiliste" ou "pessimiste", alors que je ne suis qu'un "réaliste optimiste".
En tant que membre de la génération X, je travaille dans l'enseignement supérieur depuis un certain temps déjà. Je partage également ma vie avec une millenial et ses deux enfants de la génération alpha. Mes expériences quotidiennes avec les écoles d'enseignement supérieur internationales, leurs étudiants, ainsi qu'avec ma famille contemporaine m'offrent une occasion bénéfique de voir le monde sous de multiples perspectives et avec plusieurs lentilles générationnelles. Un point de vue kaléidoscopique qui m'a permis d'obtenir différentes explications et d'exprimer mes doutes au cours des douze derniers mois :
J'ai lu, par exemple, que les taux de natalité dans le "vieux monde" continuent de baisser de manière significative en raison de la récession économique. En fait, les données de 2021 et 2022 montrent clairement que, malgré les espoirs (ou les plaisanteries) d'un baby-boom dû aux confinements, c'est exactement le contraire qui s'est produit, du moins dans des pays comme la France ou les États-Unis.
J'ai également lu que dans un peu moins de dix ans, la population humaine devrait avoisiner les neuf milliards d'individus. À peu près au même moment, la première génération alpha atteindra l'âge adulte, tandis que le monde comptera la proportion la plus élevée de personnes âgées de plus de 60 ans. Cela signifie clairement que les collégiens d'aujourd'hui supporteront le fardeau financier et social de la plus grande population vieillissante, retraitée et coûteuse qui ait jamais existé dans l'histoire de l'humanité, avant même d'avoir commencé à travailler.
J'ai même lu que dans moins de quatre ans, les membres de la génération Alpha devraient atteindre les deux milliards. À titre de comparaison, c'est à peu près toute la population humaine mondiale des années cinquante du siècle dernier, après deux guerres mondiales meurtrières.
Et ils n'enseigneront pas... mais apprendront des enfants.
Alors, tout en me préparant à un joyeux Noël et à une bonne année, ces découvertes suscitent en moi de profondes interrogations, auxquelles je n'ai pas le moindre indice de réponse. C'est justement à cause de ma stupéfiante ignorance et de mon manque de certitude que je refuse d'être pessimiste !
Selon Mark McCrindle, chercheur en sciences sociales en Australie, nos enfants de la Génération Alpha vont certainement déplacer et changer radicalement les repères de la vie d'aujourd'hui tels que l'économie de la croissance, le statut social du mariage, les conventions de la famille et de l'accouchement, ainsi que la relation humaine avec le travail, la retraite et la mort.
Je comprends qu'ils vivront plus longtemps et qu'ils auront des familles moins nombreuses. Je sais qu'ils seront la génération la plus éduquée de tous les temps, la génération la plus équipée en technologies et, globalement, la génération la plus riche de tous les temps.
D'un autre côté, je comprends aussi qu'ils devront vivre sur la planète la plus chaude et la plus invivable que l'humanité ait jamais connue. Je sais qu'ils devront trouver une solution par eux-mêmes, qu'ils ne pourront pas compter sur nous et qu'ils seront très innovants !
Chaque fois que je regarde ou écoute les enfants, je me rappelle que nous devons cesser de leur dire de se ressaisir. Nous avons perdu le monde, ce n'est pas à eux de le retrouver, n'est-ce pas ?
Nous devons immédiatement cesser de leur demander de devenir comme nous, de penser comme nous, d'objectiver nos valeurs ou de croire en nos systèmes obsolètes. Laissons-leur de la corde. Arrêtons de leur faire remarquer qu'ils sont les leaders de demain, en oubliant que nous sommes les leaders d'aujourd'hui !
Le monde d'aujourd'hui, celui que nous laisserons à nos enfants, est notre responsabilité, certainement notre faute, et sûrement notre chance. Saisissons-la !
Bonnes vacances à toutes et tous !
English version / Lisez la version française ci-dessus
(artwork : Kaleidoscope by Olafur Eliasson)
It is the end of the year, a perfect time for reflection, drawing lines and to find closing.
Just this week I have stumbled upon some notes I took thess last month and years. With a few exceptions, they still seem very contemporary and up to date. Similar to back then, I am still worried and somehow bored by the numbers, news and stories, in the press. I found very few attempts in the news to take on a sociological or psychological point of view. Even less did the main outlets talk about education or the youth. If these subjects were covered, it was, as pretty much everything, through the paradigm of technology and the use of machinery, data and AI.
Fake news, facts and often contradicting official communication were regrettably presented and consumed as “the same”. It seems that we have silently accepted to live the post-truth era. This has further enhanced the already vastly growing trend of conspiracy theories and anti-democratic thoughts in countries where values such as the right to chose for women or the right to freely travel are officially questioned or abandoned.
There was also the old, never ending and jaded discussion on how to obtain economic growth and how to get back to full-employment. Hardly ever we’re these economic concepts questioned or challenged, as if we were powerless against things we have come up with ourselves…
I am extremly surprised by the tiny amount of innovation of thought we have been gifted this year. I am somewhat flabbergasted or scared by the tenacity and obsession with which people are clinching to last century’s failing concepts to resolve problems of the future: as if the ban of women’s clothing or the introduction of uniforms in primary schools, as well as the more thorough application of testing would help out Generation-Alpha kids to become inclusive and open-minded knowledge workers.
Everything seems to still be about sticking to the same old same same. Of course in a slightly ecofriendlier and greener packaging, as well as with a shiny diversity and equality ribbon on top. The box and the gift stay the same.
Radical ideas for a new world are unfortunately only seen in "extremist fringe groups", where they can easily be politicized and branded as unrealistic, crazy or woke.
From Omega to Alpha
It must not come as a surprise, I have often been perceived as “nihilistic” or “pessimistic”, although I merely am an “optimistic realist”.
I, a Gen-Xer, work in higher education for quite some time now. I also share my life with a Millenial and her two Gen-Alpha kids. My daily experiences with international providers of higher education, their stduents, as well as my contemporary family offer me an beneficial opportunity to see the world in multiple perspectives and with several generational lenses: A kaleidoscopic point of view allowing different explanations and doubts these last twelve months:
I have, for example, read that birth rates in the “old world” are still dropping significantly due to the economic recession. As a matter of fact, data from 2021 and 2022 clearly show that despite hopes (or jokes) of a baby boom due to the lockdowns, precisely the opposite happened, at least in nations like France or the United States.
I have also read that in just under ten years the human population is expected to be close to nine billion. Around the same time the first batch of generation alpha will reach adulthood, while the world will also have the highest ever proportion of people aged over 60. This clearly means that todays high-school kids will bear the financial and social burden of the biggest ageing, retired and costly population that has ever existed in human history, before they have even started to work.
I have even read that in less than four years from now the members of generation Alpha are expected to reach two billion. In comparison, that is roughly the entire human world population of last century’s fifties, after two slaugtherous world wars.
And they shall not teach… but learn from the kids
So while preparing for a merry Christmas and a happy new year, these discoveries and doubts raise profound questions in me, to which I do not have the slightest clue of an answer. It is precisely because of my staggering ignorance and lack of certitude that I refuse to be pessimistic!
According to Mark McCrindle, a social researcher from Australia, our GenAlpha kids will certainly displace and radically change today's standard life markers such as the economics of growth, the scoial status of marriage, the conventions of family and childbirth, as well as the human relation with work, retirement and death.
I understand that they will live longer and that they will have smaller families. I know that they will be the most formally educated generation ever, the most technology-supplied generation ever, and globally the wealthiest generation ever.
On the other hand, I also understand that they will have to live on the hottest and most unliveable planet earth known to mankind. I know that they will have to find a solution on their own, that they will not be able to count on us, and that they will be really innovative!
Every time I look at or listen to the kids, I am reminded that we need to stop telling them to get their shit together. We have lost it, it is not on them to find it, is it?
We need to immedialtly stop asking them to become like us, to think like us, to objectify our values or to believe in our obsolete systems. Give them some rope. Let's just stop pointing at the fact that they are the leaders of tomorrow, while forgetting that we are the leaders of now!
The world of today, the one we leave to our kids, is our responsibility, most certainly our fault, and surely our chance. Let's grasp it!
Have a lovely holiday!