Ces derniers jours, j'ai passé beaucoup de temps à écrire sur la technologie dans le secteur de l'enseignement supérieur. Il s'agit certainement d'un sujet brûlant, que ce soit sur le plan politique, économique, social ou tout autre adjective que vous pouvez trouver à insérer ici.
Dans le dictionnaire de Cambridge, la technologie est définie comme l'application des connaissances scientifiques à des fins ou applications pratiques. En d'autres termes, la technologie utilise des principes scientifiques et les applique pour modifier ou faire progresser l'environnement dans lequel les êtres humains vivent. Elle a optimisé la plupart des aspects de notre vie, de notre travail, de nos relations et de nos actions. Elle nous a permis de faire beaucoup plus en 24 heures, n’est-ce pas? Mais est-ce le cas ? Ou est-ce plutôt comme Hartmut Rosa, professeur allemand de sociologie, l'a dit un jour : “L'accélération de la modernité ne produit pas un gain de temps, mais un manque permanent de temps.”
Qu'est-ce que cela signifie pour le secteur de l'enseignement supérieur ?
Le dillème de l'éducation traditionnelle
En bref (quelques secondes), l'éducation a le plus souvent été structurée autour du temps plutôt que de la compréhension. L'école, telle que nous la connaissons aujourd'hui, a été construite sur le modèle des Jésuites à la fin du 16ème siècle. Les contenus étaient enseignés dans un cadre de référence (temporel), ce qui permettait d'exclure les élèves (ou de leur faire répéter le cadre temporel), s'ils ne suivaient pas ou prenaient du retard. Cela a naturellement ouvert la voie aux idées de Frederick Winslow Taylor.
Le taylorisme en éducation signifie diviser le parcours d'apprentissage de l'enfant en groupes d'âge - il signifie également diviser les objets d'apprentissage en listes de micro-compétences que l'apprenant est censé acquérir successivement et indépendamment les unes des autres, afin d'accomplir une succession de tâches. Bien que de multiples tentatives d'évolution et de changement aient été discutées, planifiées et parfois mises en œuvre au fil des ans, l'éducation est restée une sorte de chaîne industrielle, alimentée par un curriculum, divisée en maillons (classes), régulée par des contrôles de conformité (tests, examens), aboutissant à un produit final (le diplôme).
Au niveau international, les écoles sont désormais mises en concurrence les unes avec les autres et traitées comme des mini-entreprises, reflétant la logique du marché, qu'il s'agisse du « top of the pops » annuel pour les écoles de commerce ou de la comparaison de « l'apprentissage des enfants d'un pays entier » uniquement à l'aide de données STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) généralisées.
Cette approche met l'accent sur la performance, la mesure des résultats et la concurrence, ce qui conduit principalement à une standardisation de l'offre éducative et un système, où les écoles involontairement cherchent à maximiser leur « performance » selon des critères quantitatifs, plutôt que de répondre aux qualités spécifiques de leurs étudiants, ainsi qu'à leurs besoins futurs.
Un nouveau plan « Marshall » pour l'éducation
Marshall McLuhan a affirmé que chaque nouveau média (ou technologie pour une question d'argumentation) ne se contente pas de transmettre des informations, mais qu'il “rafraîchit notre façon de penser”. Le passage de la presse écrite à la télévision et à l'internet a modifié nos processus cognitifs. Pensez-y : lorsque les livres étaient le média dominant, nous valorisions la lecture approfondie et la pensée linéaire. La télévision a introduit un engagement plus visuel et émotionnel. Aujourd'hui, avec l'internet, nous traitons l'information de manière non linéaire, en sautant d'un lien à l'autre, en balayant et en éditant plutôt qu'en absorbant.
Ce changement a certainement des implications majeures pour l'éducation ou l'apprentissage en général. La salle de classe traditionnelle, ancrée dans une culture taylorienne et basée sur l'imprimé, est remise en question par des étudiants qui ont grandi dans un monde d'hyperliens, de médias sociaux et d'apprentissage piloté par l'IA.
Dans The Gutenberg Galaxy (1962), McLuhan explique que la communication circule et s'adapte à travers différents supports comme l'eau dans des vases connectés, ce qui rejoint en quelque sorte son argument selon lequel les environnements médiatiques façonnent la manière dont l'information (ou la connaissance) est transmise, perçue et comprise.
Imaginez la communication (qui fait partie de l'apprentissage) comme de l'eau qui s'écoule entre des vases interconnectés, où chaque vase représente un média différent. La forme et la structure de chaque vase déterminent la manière dont l'information est contenue, transmise et vécue... et la manière dont l'apprentissage doit se dérouler !
Cultures orales → Le savoir s'écoule de manière dynamique comme l'eau dans un bol ouvert, constamment remodelé par la mémoire collective et les échanges interpersonnels.
Culture de l'imprimé (galaxie Gutenberg) → Un contenant rigide et structuré qui organise le savoir de manière linéaire et fixe (livres, journaux, éducation standardisée).
Médias électroniques (Radio/TV/Internet) → Plus fluide, avec une portée mondiale instantanée, réduisant les distances et réintroduisant des aspects de la culture orale.
Chaque « vase » est influencé par les autres, mais le récipient en verre dominant à un moment donné façonne la manière dont la société pense, apprend et communique. Si nous considérons la presse de Gutenberg comme un événement “disrupteur” similaire à ce que pourrait être l’internet, le smartphone ou l'IA, nous ne devons pas oublier qu'il a fallu environ 400 ans après son invention en 1450 pour qu'une personne moyenne soit capable de lire; Pour que cette invention devienne réellement un « gain culturel » pour tout le monde... La Galaxie Gutenberg explique comment les « vases » de communication dominants façonnent la pensée et la société humaines. Aujourd'hui, nous assistons à une autre transition majeure, où le savoir redevient fluide, collectif et décentralisé.
Cette newsletter ne doit pas et ne veut pas toujours fournir des solutions ou des réponses simples et applicables. Réfléchir et boire un café le samedi matin ne doit pas nécessairement aboutir à une certitude, ni être rapide...
Alors, qu'est-ce que cela dit de notre relation au changement, au temps et au changement dans le temps ?
J'ai compris que dans un monde où les écrans affichent trop de certitudes en temps réel, la beauté fascinante mais cachée de l'intelligence non artificielle réside dans le fait qu'elle est incertaine, surprenante et lente...
Prenons notre temps !