Version française / please read in English below
Ca fait un peu de temps depuis notre dernière rencontre et je suis très heureux d'être de retour. J’ai écrit un certain nombre d'articles sur la transformation ou l'innovation et sur la manière dont elles peuvent influencer le secteur de l'enseignement supérieur. Trop souvent, l'innovation est malheureusement liée à une croissance bureaucratique plutôt qu'à un véritable changement significatif. Les écoles peuvent introduire de nouveaux systèmes, programmes et rôles censés donner un coup de fouet à l'innovation. Mais ces actions finissent souvent par devenir autosuffisantes, n'existant que pour se justifier elles-mêmes plutôt que de profiter réellement à l'expérience d'apprentissage des étudiants ou au bilan de l'établissement.
Telle est la principale affirmation et l'approche du livre de David Graeber, Bullshit Jobs! Il offre une perspective provocatrice à travers laquelle nous pouvons envisager ces défis. Dans ce livre, Graeber explore et définit le concept de « jobs à la con », c'est-à-dire les emplois qui n'ont pas de raison d'être ou de contribution significative, mais qui semblent proliférer dans les économies modernes. Bien que sa critique porte principalement sur le monde de l'entreprise, elle contient des informations précieuses pour l'enseignement supérieur également. À bien des égards, la bureaucratisation des écoles ou le développement exponentiel des emplois de « tiers lieux », reflètent la montée du travail inutile dans d'autres secteurs.
Les stages sont-ils “bullshit” ?
Alors que les universités innovent et se transforment, elles doivent garder l'expérience de l'étudiant au centre de la conversation. Si les avancées technologiques et les programmes d'études promettent de préparer les étudiants à un monde qui évolue rapidement, une question plus profonde est en jeu :
Préparons-nous réellement les étudiants à un travail utile ou les préparons-nous simplement à entrer dans un système où une grande partie de leur travail futur pourrait sembler inutile ?
David Graeber, dans le livre susmentionné, souligne que les économies modernes sont remplies d'emplois dépourvus de sens, et l'un des exemples les plus clairs est celui des stages. De nombreux étudiants s'inscrivent à des stages dans l'espoir d'acquérir une expérience pratique et de se familiariser avec le domaine qu'ils ont choisi. Cependant, Graeber affirme qu'au lieu d'un travail utile, ces stages impliquent souvent des tâches qui semblent déconnectées de tout objectif réel - remplir de la paperasse, organiser des réunions ou observer des employés sans réel engagement. Pour de nombreux étudiants, ces stages s'apparentent à « peigner la girafe », à un aperçu de ce que pourrait être leur vie professionnelle. Soyons honnêtes, il s'agit trop souvent d'un aperçu assez décourageant.
Ne leur avons-nous pas vendu le rêve de travailler dans un monde agile rempli de sosies de Steve Jobs ? Ne leur avons-nous pas dit qu'ils seraient les prochains leaders ou que leur travail devrait et ferait la différence ?
Quand la réalité se manifeste
L'expérience du stage fait souvent naître l'idée qu'une grande partie du monde du travail moderne est, en fait, une « connerie ». Les étudiants peuvent quitter les stages désillusionnés, réalisant qu'ils sont préparés à des emplois qui se concentrent davantage sur le respect des exigences bureaucratiques que sur la création de valeur ou la conduite du changement. L'enseignement supérieur a donc la responsabilité de repenser la manière dont il prépare les étudiants à la vie active.
Nous contentons-nous de leur faire faire un stage de six mois pour obtenir les points de crédit nécessaires, tout en sachant que cela renforce des modèles de travail dépassés? Ou les préparons-nous sérieusement à remettre en question et à changer ces modèles?
La véritable innovation dans l'enseignement supérieur ne devrait pas se limiter à l'intégration de la technologie ou à l'expansion des programmes administratifs. Elle devrait viser à aider les étudiants à développer leur esprit critique, leurs compétences en matière de résolution de problèmes et leur capacité à reconnaître le sens de leur travail. D'accord, nous essayons déjà de le faire sincèrement au sein des écoles... mais, au lieu de proposer des stages qui perpétuent le statu quo, les écoles devraient être plus sélectives (comme dans le processus d'admission) et ne s'associer qu'avec des organisations qui offrent aux étudiants la possibilité de s'engager dans un travail qui a un impact sur le monde réel - qu'il s'agisse de projets communautaires, de recherche ou de projets d'entreprise !
Si l'enseignement supérieur doit transformer notre jeunesse et finalement le monde pour le meilleur, il doit aider les étudiants à trouver un but à leur travail, et non pas simplement les préparer à des emplois qui s'inscrivent dans un système existant de tâches inutiles. Les étudiants méritent plus qu'un avenir rempli de « bullshit jobs » - ils méritent un avenir où leur travail fait la différence.
English version / Lisez la version française ci-dessus
It has been a while and I am very happy to be back. This newsletter has had quite a few articles about transformation or innovation and how they may influence the sector of higher education. Too often, we see innovation tied to bureaucratic growth rather than meaningful change. Schools may introduce new systems, programs and roles meant to kick start or drive innovation. But these actions often end up becoming self-serving, existing only to justify themselves rather than truly benefiting the students’ learning experience or the institutions bottom line.
This is the main claim and approach of David Graeber’s book, Bullshit Jobs! It offers a provocative lens through which we can view these challenges. In the book, Graeber explores and defines the concept of “bullshit jobs,” or jobs that exist without meaningful purpose or contribution, yet seem to proliferate in modern economies. While his critique primarily focuses on the corporate world, it holds valuable insights for higher education as well. In many ways, the bureaucratization of schools, the exponential development of “third space” jobs, mirrors the rise of pointless work in other sectors.
Are internships BS?
As universities innovate and transform, they must keep the student experience at the center of the conversation. While advancements in technology and curriculum promise to prepare students for a fast-evolving world, there’s a deeper issue at play:
Are we really preparing students for meaningful work, or are we just equipping them to enter a system where much of their future work may feel pointless?
David Graeber, in the aforementioned book, highlights how modern economies are filled with jobs that feel meaningless, and one of the clearest examples is internships. Many students enter internships hoping to gain hands-on experience and insight into their chosen fields. However, Graeber argues that instead of meaningful work, these internships often involve tasks that seem disconnected from any real purpose—filing paperwork, organizing meetings, or shadowing employees without any real engagement. For many students, these internships feel like "busy work," a preview of what their professional lives might look like. Now let’s ‘s be honest, a too often quite discouraging preview.
Haven’t we sold them a dream of working in an agile world filled with steve jobs lookalikes? Haven’t we told them that they’d be the next leaders or that their work should and would make a difference?
When reality hits the fan?
The internship experience often plants the idea that much of the modern work world is, in fact, “bullshit.” Students may leave internships disillusioned, realizing that they’re being groomed for jobs that focus more on fulfilling bureaucratic requirements than on creating value or driving change. Higher education, then, has a responsibility to rethink how it prepares students for the workforce. Are we simply passing them through the motions of a 6 months internship to fullfill the needed credit points, knowing that it actually reinforces outdated work models, or are we seriously equipping them to challenge and change those models?
True innovation in higher education shouldn’t just be about integrating technology or expanding administrative programs. It should focus on helping students develop critical thinking, problem-solving skills, and the ability to recognize when work is meaningful. Alright, we often sincerely try to do that in the vacuum of the school… but, instead of offering internships that perpetuate the status quo, schools should be more selective (as selctive as with the admissions process) and only partner with organizations that offer students the chance to engage with work that has real-world impact—whether through community projects, research, or entrepreneurial ventures!
If higher education is to transform our youth and finally the world for the better, it must help students find purpose in their work, not simply prepare them for jobs that fit into an existing system of pointless tasks. Students deserve more than a future filled with “bullshit jobs”—they deserve a future where their work makes a difference.